« Je me sens beacoup plus à l'aise lorsque je défends les femmes qui
sont au bas de l'échelle sociale : quand on remporte une victoire
à cet endroit-là, tout le monde avance.»
Angela Davis, Le Monde, 16 janvier 2016

Ni le nivellement par le bas, ni le nivellement par le milieu :
seul vaut le nivellement par le haut !

Illustration en guise de démonstration :

 

En 2013, la cour constitutionnelle jugeait que la différence de traitement entre travailleurs « employés » et « ouvriers », notamment en cas de licenciement, était discriminatoire. Il est vrai que la différence de statut juridique ne se justifie pas, d’autant plus qu’avec l’évolution des métiers, le choix du statut était de plus en plus arbitraire.

Un caissier de supermarché est employé alors qu’un technicien spécialisé frigoriste ou un opérateur-programmateur de machine-outil est ouvrier.

Supprimer la différence de traitement, bien ; mais comment ? Des décennies de négociation collective ont créé de multiples régimes, secteur par secteur. La logique juridique veut qu’on aligne le moins favorisé sur le plus favorisé. Pour éviter cela, le gouvernement tranche en 2014, grosso modo… en coupant la poire en deux. Significativement plus pour les ouvriers les moins favorisés, mais significativement moins pour les employés les plus favorisés.

Egalisation, certes. Mais en prenant aux uns pour donner aux autres. C’est le partage de la misère. Pas de progrès, mais un simple écrêtage ; on comble les ornières en érodant les sommets.

Equitable peut-être, mais pas progressiste. Le progrès social voudrait que les plus favorisés tirent à leur niveau ceux qui le sont moins. Pas que certains reculent pour que d’autres puissent avancer. Dans cette logique le gâteau a une taille fixe et ne grandira plus. Change juste la manière dont on le partage. Cette logique prend donc comme hypothèse et perspective la stagnation sociale. Tous alignés sur la moyenne. On bride ceux qui avaient pris de l’avance sur le progrès ; en ramenant tout le monde dans la bonne moyenne, on leur fera perdre l’envie même d’avancer.

Et que dire lorsque l’opération devient itérative ?

Jules à plus que Jessica ; on coupe la poire en deux. Jules et Jessica sont maintenant à égalité, Jules ayant moins et Jessica plus. Alors vient Jacques, qui a moins que Jules et Jessica. On recoupe la poire en deux … puis encore une fois pour Yasmina puis encore pour Robert, et encore pour Samantha. A couper et recouper la poire il n’en reste plus rien.

Car après les ouvriers et les employés, pourquoi ne pas s’attaquer aux fonctionnaires, en tout cas dans ce qu’ils ont de plus enviable, comme la pension ou la stabilité d’emploi. Et puis on pourra aussi couper la poire en deux avec les temps partiels, les intermittents, les intérimaires, les travailleurs au noir, les détachés des pays de l’Est, etc.

Couper la poire en deux est une variante du nivellement par le bas, moins brutale, d’apparence plus honnête, mais diablement efficace pour organiser et justifier le recul social.

Dorénavant pour rétablir l’injustice entre les exploités il faudra que les uns trouvent de soi-disant privilégiés à dépouiller… pendant que les vrais profiteurs courent de plus belle.

Le champagne coupé à la bière n’est plus du champagne … et si on le remplace par du mousseux on n’y verra que du feu.

C’est quoi couper la poire en deux entre Picasso et Rimbaud ? Des comptines illustrées ? Et si on aligne ensuite avec le mime Marceau, qu’est-ce qui reste ? Des chromos, peut-être.


Retour vers le haut de la page